La transparence des élections françaises se décident-elles au Nebraska ?

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Alors quand on apprend que c'est  le Bureau Veritas qui contrôle soit disant les machines et cette organisation appartient à 92% à l'illustre Baron Seillières, grand pote de Sarko, on ne se fait aucune illusion sur la fiabilité des dites machines. Le Ministère de l'Intérieur ne veut même pas fournir l'accès au rapport en donnant comme prétexte que cela enfreindrait le secret industriel. Ben voyons...

La transparence des élections françaises

se décide-t-elle au Nebraska ?

Quand on pose à une municipalité la question de la sécurité des machines à voter, une réponse très fréquente est que celle-ci est agréée par Bureau Veritas. Nous avons naturellement cherché à en savoir plus.

Bureau Veritas et son concurrent Ceten-Apave sont appelés “organismes d’inspection”. Leur rôle est de vérifier si une machine à voter est conforme aux exigences répertoriées dans un document appelé « règlement technique fixant les conditions d’agrément des machines à voter ». Cela amène rapidement à deux interrogations :

  1. Un seul exemplaire de la machine (ou peut-être quelques uns) est examiné lors de la procédure d’agrément. Cet agrément porte donc sur un modèle de machine, et non pas sur chaque exemplaire fabriqué. Quel mécanisme garantit qu’ils soient tous identiques, et qu’ils le restent tout au long de leur existence ?
  2. Ces exigences sont-elles sévères ? En effet, on ne demande pas à ces organismes d’évaluer globalement la sécurité, mais de répondre à une série de questions très précises. Ces questions ont-elles été bien posées ?

La réponse à la première interrogation est qu’il n’y a pas de mécanisme sérieux assurant que toutes les machines soient identiques au modèle agréé. Le fabricant Nedap/France-Élection prétend pourtant y parvenir : nous estimons qu’il s’agit d’une duperie. Savoir ce qu’il y a réellement dans un ordinateur est extrêmement difficile sans le désosser totalement [1].

La deuxième interrogation nous a amené à examiner le “règlement technique”, disponible sur le site internet du Ministère de l’Intérieur . Son examen nous a révélé ses faiblesses. Il répond avant tout aux besoins des municipalités : fiabilité de l’électronique, longévité et facilité d’utilisation. Il ne semble pas vraiment prendre en compte que l’essentiel est le logiciel intégré : il pourrait presque aussi bien s’appliquer à un équipement purement électronique [2]. Les questions étaient donc bien mal posées.

Nous avons néanmoins cherché à connaitre les réponses à ces questions, c’est à dire le rapport rendu par Bureau Veritas ou Ceten-Apave au Ministère de l’Intérieur. Ce dernier a en effet la responsabilité de délivrer juridiquement l’agrément, sous la forme d’un arrêté. Quand nous l’avons interrogé, le Ministère nous a dit se fier entièrement aux conclusions de ces rapports.

Nous avons demandé au Ministère de l’Intérieur l’accès aux rapports concernant les diverses machines agréées (Nedap, Indra, ES&S iVotronic), au mois d’août 2005. Une première réponse fût que cela enfreindrait le secret industriel.

Le Ministère a ensuite décidé de consulter les acteurs intéressés : les fabricants et leurs importateurs, ainsi que les organismes d’inspection. Ceten-Apave a posé la condition que ses méthodes de travail ne soient pas exposées à la vue de ses concurrents. Cela rendait donc impossible la publication intégrale par notre site. Nous avons donc signé un document dans ce sens, négociant toutefois un droit de citation.

Malheureusement, un veto est ensuite arrivé par delà l’Atlantique, plus précisément du Nebraska, où se situe le siège d’ES&S, fabricant de la machine iVotronic. Le Ministère de l’Intérieur nous a alors surpris en décidant que faute de consensus de tous les acteurs, aucun rapport ne pouvait nous être communiqué.

Puis le Ministère de l’Intérieur a demandé conseil à la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs). Celle-ci a rendu sa décision le 26 janvier 2006, refusant la communication au motif que cela violerait le “secret industriel et commercial”et “pourrait compromettre le bon déroulement des élections”.

Ce dernier point est totalement surréaliste : l’intégrité de nos élections dépend-elle maintenant de la qualité de la serrure du placard dans lequel sont enfermés ces rapports ?

Un recours devant le Conseil d’Etat est en préparation.

Lors de ces démarches, nous n’avons pas senti d’hostilité de la part du Ministère de l’Intérieur. Le contraste est net avec le Ministère des Affaires Étrangères, que nous avons contacté à l’occasion du vote par Internet de l’AFE de juin 2006.

Veuillez nous pardonner le titre de cet article un peu “choc”, choisi pour attirer votre attention sur ce qui n’est finalement qu’une série de démarches administratives rébarbatives.

[1] Ce texte d’Andrew W. Appel, professeur d’informatique à l’université de Princeton, démontre cela point par point : Summary of testimony before N.J. State Senate. Du même auteur : une démonstration similaire et plus détaillée.

[2] L’exigence n° 45 du Règlement technique, une des rares à se préoccuper de sécurité informatique, est : “Les programmes [...] doivent être [...] stockés sous forme inaltérable.”. Les machines Nedap/France‑Élection nous paraissent en violer l’esprit : les mémoires contenant le logiciel peuvent être considérées comme inaltérables (bien que ce soient des EPROMs, on ne peut pas les reprogrammer par le biais de la machine), mais elles sont amovibles. Les machines Indra nous semblent n’en respecter ni l’esprit ni la lettre : le logiciel est placé sur un disque dur, équipement dont on peut par principe changer facilement le contenu.

Sources : Recul démocratique

Posté par Adriana Evangelizt

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