A propos de la réalité des actes antisémites
A propos de la réalité des actes antisémites
Depuis près de deux ans, plusieurs affaires très médiatisées d'antisémitisme jettent un doute dans l'opinion sur la réalité de la vague judéophobe en France depuis 2000. Disséquer le climat qui entoure les actes antisémites représente aujourd'hui une nécessité pour développer une approche raisonnée et efficace de la lutte contre l'antisémitisme.
Affabulations, preuves insuffisantes : quelques affaires emblématiques…
Comme toute statistique, les chiffres de la CNCDH relèvent d'une construction imparfaite. Les chiffres cités dans les médias, ceux des violences et menaces, sont basés sur des estimations des RG (Renseignements généraux) qui recensent un acte quand une signature et une victime peuvent être identifiées (l'auteur l'étant très rarement). Ceux-ci sont largement plus élevés que les chiffres des procédures judiciaires recensées par le ministère de la Justice.
D'après Gérard Fellous, secrétaire général de la CNCDH, joint par téléphone, la différence entre les actes (817 actes (violences et menaces) racistes ou antisémites en 2003) et les procédures judiciaires (108 procédures judiciaires en 2003, voir page 78) s'explique pour beaucoup par le caractère non-systématique des poursuites initiées par la Justice dans les affaires du racisme. Un colloque co-organisé avec l'ENM (Ecole nationale de la magistrature) devrait d'ailleurs être tenu sur ce thème fin 2004 à Paris.
Les actes antisémites recensés par la CNCDH - avec l'aide du CRIF - sont essentiellement un phénomène urbain, et aux trois quarts francilien, ce qui explique sans doute qu'une grande partie de la population ne perçoit pas l'antisémitisme comme la forme de racisme la plus active, et que le discours dominant tendant à la culpabiliser en bloc ne fait pas recette. On peut aussi incidemment s'interroger sur l'adéquation des moyens policiers mis en oeuvre pour les réprimer avec la répartition géographique de cette délinquance, quand l'orientation en matière de sécurité publique a mis la priorité sur la tranquillité des centres urbains, parfois au détriment de leur périphérie.
On dit beaucoup aussi que les actes antisémites sont « sur-représentés » en quelque sorte dans les statistiques du racisme, où le racisme anti-arabe ou anti-noir, considéré comme le premier par les Français, est désormais minoritaire. La vérité est que l'explosion des actes antisémites a été correctement prise en compte dans les statistiques à partir du moment où le CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France) a mis en place une structure de recensement et de veille (le SCPJ (Service de protection de la communauté juive)) qui a été en mesure, par la qualité globale de l'information produite, de faire pression sur les pouvoirs publics, et le ministère de l'Intérieur en particulier (5). Celui-ci a été obligé de « suivre », pour ne pas donner le sentiment d'être incapable de faire aussi bien qu'une structure issue de la société civile. Il faut donc souligner que le CRIF, par les moyens dont il dispose et les initiatives prises, a pesé sur la politique de l'Etat. Les organisations communautaires arabes ou noires n'étant que très peu structurées, aucun travail similaire n'a été mis en oeuvre pour les autres "communautés". Quant aux associations antiracistes, elles sont aujourd'hui opérationnellement incapables de mettre en place de telles structures de recensement. Recevoir des coups de fil de victimes ou envoyer des communiqués de presse : il faut choisir.
Malgré tout, les chiffres des procédures judiciaires engagées en 2004 semblent démontrer que l'accroissement du travail policier, le soutien aux dépôts de plaintes, et la sensibilisation des magistrats produisent leurs premiers effets. La Chancellerie a en effet recensé 298 actes antisémites entre le 1er janvier et le 20 août 2004, soit près de 3 fois plus que durant toute l'année 2003 (108 actes) (7).
2)Voir aussi Les Fins de l'antiracisme, Pierre-André Taguieff, Michalon, 1995
3)Violences antisémites recensées en 2003, rapport 2003 de la CNCDH, pages 53 à 61, La documentation Française
Voir aussi Racisme en 2003 : les principaux éléments du rapport de la CNCDH, Observatoire du communautarisme, 13/05/2004
4)La faillite de la République des victimes, Observatoire du communautarisme, 20/07/2004
5)Voir la page dédiée au SCPJ sur le site du CRIF : www.crif.org/index.php?dossier=1&menu=5
Il faut noter que les affaires de Gagny et Epinay demeurent répertoriées par le SCPJ dans les actes antisémites en dépit de l'absence de preuves. On peut imaginer que des considérations politiques internes aux organisations communautaires juives n'y sont pas étrangères. Seule une organisation publique performante - dotée d'une méthodologie irréprochable et indépendante des pressions communautaires - pourra éviter ce type de dysfonctionnement.
6)Voir le dossier du ministère de la Justice consacré aux "lois antiracistes"
7)Pour le début de l'année 2004, on se reportera à cet extrait du Nouvel Observateur, 26/08/2004 : « La Chancellerie a recensé 298 actes antisémites entre le 1er janvier et le 20 août 2004, selon des chiffres communiqués jeudi 26 août» [...]
« Sur ce total, 162 affaires concernent des atteintes aux biens (tags, incendies criminels...), 69 concernent la loi sur la presse (publication d'images ou d'écrits à caractère antisémite) et 67 des atteintes aux personnes (agressions, insultes...).
Dans une grande majorité de ces dossiers (80,2%), les auteurs de l'infraction n'ont pas encore été identifiés. Certaines de ces affaires sont donc toujours en cours, avec recherche de l'auteur, et d'autres ont été classées après constatation que l'auteur demeurait inconnu.
Au total, seules 59 affaires sur 298 ont débouché sur une identification formelle de l'auteur. Treize d'entre-elles ont été classées par le parquet (après rappel à la loi, mesures de réparation ou après constatation de l'irresponsabilité pénale de l'auteur) et 46 ont été poursuivies. »
Sources Communautarisme net
Posté par Adriana Evangelizt