Les mots hésitants et le souvenir "enfoui" des femmes témoins au procés Colonna
Les mots hésitants et le souvenir "enfoui" des femmes témoins
au procès Colonna
Comme ont paru pauvres les mots d'Yvan Colonna, à l'ouverture de l'audience, vendredi 30 novembre ! La cour avait encore en mémoire ceux des compagnes de deux des membres du commando qui, la veille, s'étaient efforcées de rétracter leurs aveux le mettant en cause. D'elles, il avait espéré plus que ces quelques phrases ambiguës, prononcées comme à reculons, et surtout si fragiles au regard des longues confessions livrées en garde à vue. "Je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit, après le témoignage de Mme Alessandri. En garde à vue, son attitude, je peux la comprendre. Mais hier, rien de clair, rien de précis. Je me demande pourquoi elle ne dit pas clairement que je n'y étais pas !", s'est-il exclamé, dépité.
Ce que disaient ces femmes et plus encore ce qu'elles rechignaient à dire était en train de faire basculer le procès, chacun le sentait. Et ce n'était pas fini. On attendait les dépositions de Jeanne Ferrandi et Valérie Dupuis. La première qui, le soir du 6 février 1998, a déclaré avoir vu revenir son mari Alain Ferrandi chez elle, peu après 21 heures, en compagnie de Pierre Alessandri et Yvan Colonna, ne veut plus se souvenir de rien. Elle raconte ce qu'elle a vécu en garde à vue, les menaces de placement de son fils de 3 ans à la Ddass si elle ne parlait pas. Mais lorsqu'on lui demande de confirmer ou d'infirmer son témoignage, Jeanne Ferrandi répond : "Aujourd'hui, je ne sais plus ce qui s'est passé. J'ai dû fermer toutes les portes pour vivre. Tout cela est enfoui, caché. " La seconde, ex-compagne de Didier Maranelli, qui compte aussi parmi les témoins à charge, refuse de revenir sur ses propos. "Je n'ai jamais cherché à nuire à qui que ce soit, j'invente rien, je ne peux rien ajouter." A la barre, les larmes l'envahissent. La main qui lui tend un mouchoir est celle de Dominique Erignac.
"UN FORMIDABLE GÂCHIS"
Face à leurs témoignages, celui de Didier Maranelli ne pèse pas très lourd. Confondu par la téléphonie, il avait donné les noms des six autres membres du commando avant de se rétracter. "Yvan Colonna n'y était pas. Mais j'ai déclaré ce que les enquêteurs m'intimaient au sujet d'Yvan Colonna. J'avais une peur incommensurable. J'ai validé leur scénario." "Le problème, monsieur, c'est que le premier qui donne des détails aux policiers sur lui, c'est vous !", lui objecte l'avocat général Yves Jannier. Un ton plus bas, il lui demande : "Aujourd'hui, pensez-vous que l'acte que vous avez commis a servi à quelque chose ? - Hélas, à rien. - En concluez-vous que c'est une erreur ? - Un échec et un formidable gâchis. Nous voulions réveiller les consciences. J'y ai cru, fortement cru. Ce qui provoque la souffrance, c'est que derrière le symbole, il y avait un homme. - Est-ce que ça pourrait valoir le coup, encore une fois, selon vous ?", poursuit l'avocat général. La réponse jaillit, presque un cri : "Ah non ! Certainement pas !"
Sources Le Monde
Posté par Adriana Evangelizt