Bagneux City

Publié le par Adriana EVANGELIZT

"C'est pas possible, c'est pas ici que ça s'est passé."

par Laeïla ADJOVI et Matthieu ECOIFFIER

 

A Bagneux, les habitants de la cité du Tertre, habitués aux petits trafics, disent ne pas connaître la bande.

«A Bagneux, c'est de la bonne.» Longtemps, la cité du Tertre a bâti sa réputation sur la qualité de son cannabis. Le business assurait la tranquillité de ce long immeuble bas de huit étages. On ne voit plus d'affaires de bandes comme la «Fox mafia» qui piquait des mobylettes. Aucune voiture brûlée pendant les violences de novembre. Un endroit endormi, avec de plus en plus de fenêtres murées au parpaing. L'immeuble est promis à la démolition et les 275 familles restantes attendent d'être relogées. «Ici, c'est un havre de paix», lance ironiquement Wals, 19 ans. C'est pourtant là que plus de cent policiers ont débarqué dans la nuit de mercredi pour interpeller les membres du «gang des barbares» : dans un appartement de ce bâtiment fatigué, Ilan Halimi aurait été séquestré et torturé pendant près d'un mois.

«Petits trucs». Une réalité qui laisse les habitants perplexes. «On n'est même pas au courant, c'est bizarre. Les caves et les apparts sont murés ; les bandes, c'est fini. C'est pas possible, ce n'est pas ici que ça s'est passé», lâche un jeune en doudoune. D'autres rigolent en entendant parler des «barbares». «Ici, il y a des petits trucs», dit une «petite soeur» à propos du shit, «mais pas ça.» Elle sursaute cependant en entendant l'identité du chef présumé. Une dame dit carrément avoir reconnu sa photo à la télé : «Je l'ai vu grandir ici. Les jeunes, je les vois, je leur parle, ils sont adorables», explique-t-elle, incrédule. Mais n'est-ce pas précisément le calme de l'endroit que recherchaient les ravisseurs d'Ilan ? Selon plusieurs habitants du quartier, entre la barre du Tertre surtout peuplée d'Africains et celle des Cuverons occupée par des Maghrébins, il n'y a guère de tensions. Le nom du chef de bande présumé est un «mélange d'africain et d'arabe qui fait chelou», s'étonne Abdel, 20 ans, devant un ordinateur du centre social. «J'ai pas l'impression qu'il y ait des rivalités ethniques dans le coin», confirme Mireille, une septuagénaire qui habite la rue du Tertre depuis vingt-cinq ans.

Zru et Zus. Pas de tensions entre communautés mais des difficultés sociales partagées. Au sud de Paris, Bagneux la communiste ­ entre Sceaux et Bourg-la-Reine les bourgeoises ­ est l'une des communes les moins bien loties des Hauts-de-Seine. «On est Zru et Zus [zone de rénovation urbaine et zone urbaine sensible], avec 12,5 % de chômage. A la cité du Tertre, le quotient familial est le plus bas du département», lâche Louis, un associatif. Pour les militants, ce fait divers est un coup dur. Dans cette banlieue PC, on a multiplié les initiatives depuis vingt ans : «Il y a eu des idées, des projets, mais il a manqué la volonté d'aller jusqu'au bout et l'argent pour le faire, raconte une ancienne élue. C'est ici qu'on a inventé les médiateurs dans les bus RATP. En 1995, le programme européen sur les femmes a permis à 70 femmes de trouver des boulots à responsabilité, pas de femme de ménage. Je n'aime pas le mot intégration, disons qu'elles ont pris leur place, ajoute-t-elle. On a même fait la première liste dissidente aux municipales de 2001 avec des quotas colorés : un candidat sur six issu de l'étranger.» Mais pour la jeune génération c'est encore plus difficile : «Il y a le barrage de la couleur de la peau, celui du nom. Je leur dis"faut oser !" mais il y a aussi ce barrage qu'ils se construisent dans la tête.»

Mireille tente aussi de trouver une explication à l'horreur de ce fait divers. «La semaine dernière, à une réunion de locataires, le commissaire a dit que la délinquance a baissé sur Bagneux. A la cité du Tertre, il n'y a pas de violence. Ce sont les gens friqués qui sortent du RER à Bourg-la-Reine et à Sceaux qui se font attaquer. Et le commerce parallèle est florissant.» Ou plutôt était : l'arrivée d'un nouveau chef de la police, il y a trois ans, a changé la donne. «Avant, il y avait un dealer par cage d'escalier. Maintenant, comme c'est très surveillé, ils ont trouvé d'autres moyens plus violents pour avoir de l'argent, déplore la militante. Si les gens deviennent voyous, c'est qu'ils sont acculés à la misère, lance-t-elle. Enfin, ça peut l'expliquer mais ça ne l'excuse pas.»

Sources : LIBERATION

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans Crimes

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