Dragué, rançonné, tué
Une bande recherchée pour avoir enlevé et torturé un homme en région parisienne.
Dragué, rançonné, tué
L'Appât, le retour. Avec une blonde et une brune. Et cette fois-ci, la réalité dépasse en sauvagerie le scénario du film de Bertrand Tavernier lui-même inspiré d'un fait divers. Le piège s'est refermé tragiquement lundi matin pour un jeune homme de 23 ans. Sur le bord d'une route de Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne), pas très loin de la gare, en contrebas de l'hôpital psychiatrique de Perray-Vaucluse, un passant voit quelqu'un tituber, et s'écrouler le long de la voie ferrée. Son corps était brûlé, tailladé, menotté et «piqué de partout à l'arme blanche», selon une source policière. Il portait des traces de coups violents et de tortures sur 80 % de la surface de son corps, complètement recouvert d'hématomes. Il était incapable de s'exprimer. Il est mort pendant son transport à l'hôpital.
Yeux bandés. Le piège se met en place trois semaines plus tôt. Une jeune femme «bien faite et aguicheuse», petite, d'origine maghrébine, entre dans une boutique de téléphonie mobile du boulevard Voltaire, à Paris. Elle se présente au vendeur, joue de ses charmes, ils échangent leur numéro de téléphone, mais attendent pour se revoir. Il semble séduit. Il l'appelle. Elle le rappelle, lui fixe un rendez-vous la nuit du 20 au 21 janvier. Ensuite, les policiers perdent sa trace. Selon une source judiciaire, le dernier appel passé sur son portable est repéré à Sceaux (Hauts-de-Seine).
La famille du jeune homme est contactée rapidement par les ravisseurs qui envoient trois photos différentes avec des demandes de rançon, depuis un cybercafé. Sur les clichés envoyés par e-mail, l'otage a les yeux bandés par du ruban adhésif, et un journal du jour fait foi pour la date. «Il n'y a pas de traces de coups mais on ne voit pas son corps en entier», raconte une source proche du parquet. Au début des transactions, les ravisseurs menacent de lui couper un doigt. A chaque fois, une demande de rançon accompagne le courrier, mais elle change de montant. D'abord fixée à 450 000 euros, elle fait un yo-yo pas cohérent, pour descendre finalement en dessous des 100 000 euros.
«Incompréhensible». Depuis trois semaines, la PJ une centaine d'enquêteurs de la brigade criminelle sont affectés à l'affaire et le parquet étaient très inquiets et déroutés par le mode opératoire des ravisseurs, et leurs messages contradictoires. «Ils ont une logique qui nous échappe, explique un enquêteur. C'est incompréhensible, ils ne se sont jamais mis en situation de remise de rançon. Soit ils modifiaient le montant, soit ils imposaient des circonstances matérielles impossibles.» Ainsi, ils décident de donner rendez-vous en Belgique à la famille du jeune homme enlevé, car c'est là que se trouverait, selon eux, une machine à détecter les billets «marqués». Un enquêteur va plus loin dans l'analyse : «Ils n'agissent pas comme dans les prises d'otages habituelles, mais comme dans un jeu de rôles.» Ils sont organisés pour ce qui concerne les techniques d'approche et la manière de faire parvenir les photographies, mais ils ne vont «jamais jusqu'au bout de leur démarche», selon une source proche du parquet. Ainsi, ils changent d'avis sur les lieux de rendez-vous.
Cette bande serait constituée d'au moins cinq personnes, trois garçons et deux filles. Elle aurait déjà fait une demi-douzaine de tentatives d'enlèvement. La séduction est le facteur commun, mais les lieux de drague divergent : un commerce, un établissement de nuit, à domicile. Les enquêteurs n'auraient pour l'instant pas dressé de profil type des victimes (un vendeur, un commerçant...). Les hommes ne sont pas les seuls visés par la bande. Une femme a ainsi été abordée par un homme, «joli garçon». Et les riches ne semblent pas constituer une cible privilégiée. La famille du jeune homme torturé n'était par exemple pas en mesure de réunir la somme nécessaire.
Sauvagerie. L'une des tentatives a échoué auprès d'un jeune producteur de musique qui aurait fait les frais d'une tentative d'approche par une des filles. Elle lui aurait assuré vouloir se «lancer dans la chanson». Il n'a pas donné suite. Son père a mordu à l'hameçon. On l'a retrouvé menotté à l'entrée d'un immeuble du Val-de-Marne, d'opportuns passants semblent avoir mis ses trois agresseurs en fuite.
Seule la dernière tentative s'est terminée de façon dramatique. «Aucun incident» n'explique le meurtre, selon la justice. Il n'y a pas eu d'ultimatum. Et, comme dans l'Appât, il n'y a pas encore d'explication, on ne sait pas comment cette histoire a basculé dans une telle sauvagerie. La juge d'instruction parisienne Corinne Goetzmann est en charge d'une information judiciaire notamment pour «assassinat, enlèvement et séquestration en bande organisée avec actes de torture et de barbarie et association de malfaiteurs».
Le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, et François Jaspart, directeur de la police judiciaire parisienne, ont remis à la presse hier soir deux portraits-robots d'une femme blonde et la photographie d'un suspect, le visage partiellement masqué, prise par un dispositif de surveillance. Ils ont mis en garde contre des tentatives de séduction par de «jolies jeunes filles et de jolis garçons». En discothèque, ou ailleurs. Les ravisseurs courent toujours.
Sources : LIBERATION
Posté par Adriana Evangelizt