Drame d'Oullins : deux poids deux mesures
Drame d'Oullins : l'enquête remise en question
par Sophie Landrin
Quatre jours après le meurtre de Chahib Zehaf, une marche silencieuse a rassemblé, mercredi 8 mars, près de mille personnes à Oullins, dans la banlieue sud de Lyon. La mère de la victime a imploré Jacques Chirac "pour que justice soit faite", avant de partir pour Oran, où son fils doit être inhumé.
Que s'est-il passé exactement samedi 4 mars, à 22 h 20, à la sortie de la Brasserie du commerce ? Chahib Zehaf, Français d'origine algérienne, mortellement touché à la tête et au thorax, et son cousin Nabyl Djarboua, blessé aux bras, ont-ils été victimes d'un acte raciste ? La justice, pour l'heure, retient la thèse d'un "homicide volontaire" commis par Jean-Marie Garcia, saoul et passionné d'armes.
La famille, elle, parle d'une "enquête négligée". "Même un sanglier, on ne le tue pas comme ça", tranche Halim Tiaibi, le demi-frère de la victime. Il a commencé à récolter les témoignages : celui de Nabyl Djarboua qui déclare devant les médias avoir entendu Jean-Marie Garcia crier "Niquez les Arabes". Ou encore celui de Sid Ali, qui se trouvait à quelques mètres quand il a entendu les coups de feu puis, dit-il, le meurtrier hurler "Sales Arabes, race de merde". Lorsqu'ils ont été entendus par les policiers, après le drame, ces deux témoins directs ont affirmé que l'agresseur n'avait manifesté aucun comportement raciste.
"IL Y A DES DOUTES"
Pour Halim Tiaibi, Nabyl Djarboua a été entendu par les policiers alors qu'il était menotté et en état d'ébriété. Sid Ali, choqué, aurait eu peur devant les policiers qui l'auraient laissé longuement auprès de Chahib Zehaf, baignant dans son sang. Selon Halim Tiaibi toujours, les policiers n'auraient relevé les empreintes balistiques dans le bar, où un premier coup de feu aurait été tiré, que 24 heures après les faits.
Le parquet de Lyon, qui ne donne encore aucune précision sur la personnalité du tueur, maintient qu'aucun élément ne permet de retenir un acte à caractère raciste mais reconnaît qu'il faut désormais réentendre tout le monde, "tout reprendre".
Le sénateur et maire (UMP) d'Oullins, François-Noël Buffet, a raconté qu'il n'avait à aucun moment été prévenu du drame par les policiers. L'élu a demandé que "l'instruction soit menée avec beaucoup de transparence." "Il y a des doutes. Les gens veulent comprendre. S'il s'agit d'un crime raciste, il faudra le dire et le gouvernement devra se manifester", a-t-il ajouté.
Kamel Kabtane, le recteur de la mosquée de Lyon, s'est aussi interrogé sur la différence de traitement avec l'affaire Ilan Halimi. "Deux enfants de France sont morts. Dans un cas, il y a eu une mobilisation nationale. Dans l'autre, on continue de faire planer le doute et à considérer qu'il s'agit d'un fait divers qui ne mérite pas l'attention des autorités de l'Etat. J'appelle les membres du gouvernement à avoir une autre vision de la communauté musulmane et cesser de la considérer comme une communauté de seconde zone", s'est-il emporté.
Sources : LE MONDE
Posté par Adriana Evangelizt