Colonna : «Alain, j’y étais ou pas ?»

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Colonna : «Alain, j’y étais ou pas ?»


par PATRICIA TOURANCHEAU

Témoignages ambigus de deux nationalistes condamnés à perpétuité.

Deux nationalistes corses, qui ont été condamnés à la réclusion perpétuelle pour l’assassinat du préfet Erignac, ont tenté hier de blanchir Yvan Colonna, mais les traces indélébiles laissées par les procès-verbaux de leurs aveux fragilisent leurs paroles destinées à sauver leur «ami» de Cargèse (Corse-du-Sud). Extraits de prison pour témoigner devant la cour d’assises spéciale de Paris, Alain Ferrandi puis Pierre Alessandri ont revisité leurs déclarations lues par le président Coujard. Ponctuées du nom de Colonna, qu’elles désignent comme l’exécuteur du préfet et membre du groupe sans nom qui décide en 1998 de tuer le plus haut représentant de l’Etat pour «créer un électrochoc» dans la société corse gangrenée par des chefs nationalistes dévoyés.

Pierre Alessandri qui, ce 6 février 1998 à 21 h 05, avait dit se trouver à 15 mètres de Colonna sur la scène de crime et avait répété : «C’est Yvan Colonna qui a abattu le préfet Erignac Lui, qui a été le plus loin dans ses accusations, a fini par prendre la place du tireur, une fois condamné à la peine maximale. Plus rien à perdre. Pour se justifier d’avoir cité au départ en garde à vue Yvan Colonna - «Je sais, c’est pas très honorable» -, Alessandri a recours à la psychologie, à sa «déstructuration mentale» : «J’ai vu son nom dans une déposition, puis je l’ai inclus dans tout ce qui se rapporte à moi Il aurait donc mis le nom d’Yvan Colonna sur ses propres actes parce que «je n’assumais pas ce que j’ai fait. Je cite Yvan Colonna comme une porte de sortie temporaire pour que ma femme sorte de garde à vue». Le hic, c’est qu’Alessandri a utilisé la même «porte de sortie» pendant quatre ans : «Un blocage, une logique d’attente, une fuite en avant», dit-il.

Genèse. Sa nouvelle position de tireur sur les lieux résiste mal à l’examen des faits. Ainsi Alessandri avait-il expliqué qu’il avait perdu le chargeur de son arme dans sa fuite avec Alain Ferrandi et Yvan Colonna. Or, le tueur du préfet a laissé la sienne à côté du corps. Le président : «Ça signifie que sur la scène de crime, vous avez une arme dans chaque main ?» Alessandri : «Non, une à la ceinture.» «Pourquoi deux armes Alessandri hésite : «Par sécurité, je sais pas.» Le président enfonce le clou : «Ça fait un peu western, un pistolet à la main, un colt à la ceinture, on se dit que ça fait beaucoup pour le seul M. Alessandri. On serait tenté de dire, puisqu’il a perdu un chargeur, ce n’est pas lui qui a laissé l’arme du crime.» Le prétendu tueur s’énerve : «On interprète beaucoup. Moi, j’ai quelque chose à gérer, la mort d’un homme.» Il fait ce qu’il peut Alessandri.

De son côté, Alain Ferrandi, 47 ans, n’a pas pour habitude de donner des noms, ni de décrire des rôles qu’il n’a pas tenus. Il revendique «l’entière responsabilité» de l’assassinat du préfet Erignac, «cet acte politique majeur qui a échoué». Pour sauver son épouse placée en garde à vue, Ferrandi l’avait déliée de l’alibi qu’il lui avait demandé de lui fournir, puis avait avoué son implication dans le crime et raconté la genèse du «groupe de sept membres». Il avait confirmé que Colonna avait passé la nuit chez lui après l’exécution du préfet. «Mais je ne voulais pas rentrer dans le factuel de qui appartient ou non au groupe», explique-t-il à la barre. Il a attendu quatre ans avant de disculper Colonna et admet qu’il aurait été «plus judicieux de le faire avant».

«Vérité». A l’issue d’un discours politique structuré et d’un aveu que l’assassinat du préfet «n’a servi à rien», Ferrandi exclut Colonna du groupe des sept. C’est l’accusé lui-même qui interpelle son «ami» Ferrandi en corse, avant de passer au français : «Alain, je vais te parler franchement. On m’a accusé à tort… Maintenant, il faut dire les choses, dire la vérité, que je n’y étais pas. Alain, je te le demande, est-ce que j’y étais ou pas ? Il faut dire pourquoi vous n’avez rien dit, pourquoi vous avez tant attendu», lance-t-il en essayant de capter son regard. Mais Ferrandi n’a pas un regard pour lui : «Je sais que tu es un homme d’honneur et que si tu avais participé à cette action, tu l’aurais revendiquée. Par conséquent, je confirme que tu ne faisais pas partie du groupe», répond Ferrandi sans conviction. Une phrase à double à sens. Faut-il entendre dans la bouche de ce pilier du commando une franche disculpation d’un innocent ou y déceler une critique voilée sur l’honneur bafoué à l’égard d’un complice qui persiste à nier?

Sources Libération

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans YVAN COLONNA

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