Véronique Courjault a menti à tout le monde

Publié le par Adriana EVANGELIZT

«Elle a menti à tout le monde»


Par Patricia TOURANCHEAU


Véronique Courjault a été mise en examen pour triple infanticide. Elle a avoué le meurtre d'un bébé né en France en 1999, avant les deux nés en 2002 et 2003 à Séoul.

Véronique Courjault, 38 ans, a été emprisonnée hier comme une criminelle en série. Elle a avoué avoir tué ses trois derniers bébés en quatre ans. «Elle a menti à tout le monde», dit un enquêteur. Même lors de ses premiers épanchements en garde à vue mercredi, où elle endossait la maternité de faux jumeaux qu'elle avait étouffés puis congelés. Elle a fini par craquer la nuit suivante. Il s'agissait en réalité de deux nourrissons nés à Séoul à une année d'intervalle, l'un en 2002, l'autre en 2003. Aux officiers de police judiciaire de Tours, Véronique Courjault a enfin avoué hier que ce n'était pas la première ni la deuxième fois qu'elle supprimait ses petits dès leur premier souffle. Elle «a déjà fait disparaître» un bébé par le feu, en juillet 1999 à Souvigny-de-Touraine (Indre-et-Loire). La police scientifique est en train de chercher des bouts d'os dans son jardin.

Véronique Courjault a été mise en examen pour «triple assassinat». Même si l'épouse dédouane son mari, expliquant qu'elle lui a caché ses grossesses, ses accouchements et ses infanticides, des soupçons pèsent sur Jean-Louis Courjault : «Il ne paraît pas réaliste ni crédible que le mari ait ignoré une, deux, trois grossesses et un, deux, trois meurtres de sa femme», dit un magistrat. C'est pourquoi le juge d'instruction devait le mettre en examen pour «complicité» à la demande du parquet.


«Timide». Pour sa famille, qui refuse toujours d'y croire, Véronique Courjault, qui a deux fils de 10 et 11 ans de son mari, reste malgré tout «une mère exemplaire et affectueuse». Fille de viticulteur du Maine-et-Loire, Véronique Fièvre a grandi dans la petite commune de Parnay avec six frères et soeurs. Après le bac, elle a fait des études de sociologie à Poitiers. C'est à la fac qu'elle rencontre Jean-Louis Courjault, alors en IUT de génie thermique. Ils se marient en 1994, ont deux garçons en 1995 et 1996. Ils habitent alors du côté de Blois. Elle travaille comme analyste-programmeur. Dépeinte par les siens et même par sa belle-mère comme une «excellente mère», une femme certes «réservée» et «timide», Véronique Courjault ­ si l'on en croit ses aveux ­ se retrouve enceinte à nouveau en 1999, dissimule son ventre à son mari, accouche d'un garçon en catimini, l' «étouffe» et le «brûle dans son jardin» en juillet 1999. Elle ne «veut plus d'autres enfants» , les époux en auraient discuté. Mais elle n'a pas recours à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) pourtant légale en France depuis 1976.


En août 2002, elle abandonne son emploi pour suivre son mari en Corée du Sud. Jean-Louis Courjault s'expatrie à Séoul avec sa famille. L'ingénieur y travaille pour un équipementier automobile américain. Elle, femme au foyer, élève ses fils, qui ont alors 6 et 7 ans, pratique le yoga et attend encore en secret un enfant non désiré. Elle le met au monde en 2002, l'étouffe, l'emmaillote dans une serviette, puis le met au congélateur. L'année 2003, la voilà à nouveau enceinte de son mari. «Elle prémédite de tuer l'enfant à la naissance», relate un enquêteur. Elle accouche en effet seule dans la salle de bains en novembre 2003, empêche très vite le bébé de respirer, ne le lave pas, ne le nourrit pas, l'enveloppe dans un sac de supermarché et le met dans la glace. Pas loin de son frère mort. Aux yeux d'un enquêteur, écoeuré, elle prend le congélateur «pour un caveau de famille». Ce troisième accouchement sauvage tourne à l'infection généralisée. Elle subit le 13 décembre 2003 une ablation de l'utérus.


Maquereaux. Désormais stérile, l'expatriée ­ qui prend du poids ­ côtoie la petite communauté française de Séoul, et emménage en juin 2005 dans le quartier résidentiel de Sorae Village ; 260 mètres carrés payés par l'entreprise de son mari. Véronique Courjault transporte en cachette les corps des deux bébés dans sa nouvelle maison. Elle les range dans les tiroirs du bas de l'un des deux congélateurs, celui qu'elle a remisé dans la buanderie avec la table à repasser. C'est elle qui gère le garde-manger et les réfrigérateurs, pas son mari. Leurs garçons fréquentent le lycée français qui se trouve à deux pas. Véronique Courjault s'investit, bénévole, dans les activités extrascolaires de l'établissement. La voilà assistante maternelle ! Lui joue dans une pièce de théâtre intitulée le Noir te va si bien . Ils organisent des barbecues dans le jardin.


Cette année, comme tous les étés, les Courjault reviennent passer les vacances en France, à Souvigny-en-Touraine. Au bout d'un mois, Jean-Louis Courjault repart de façon imprévue à Séoul, «pour une urgence professionnelle», dit-il. Son professeur de coréen lui apporte le 23 juillet des maquereaux. Il cherche de la place dans le second congélateur et découvre alors les corps. Les bébés portent encore un bout de cordon ombilical. Il fait alerter le commissariat de Bangbae. La police se déplace, le trouve «en état de choc», le questionne, apprend qu'il n'a pas ouvert ce congélateur depuis des mois, fouille son ordinateur et prélève son ADN. Jean-Louis Courjault se soumet volontiers à ces investigations. Il revient en France comme prévu le 26 juillet avec l'assentiment des policiers qui ne le suspectent pas une seconde.


Mais l'enquête criminelle lancée à Séoul débouche bientôt sur lui et son épouse. Les expertises génétiques établissent qu'ils sont le père et la mère de ces bébés congelés. La presse coréenne tient son feuilleton de l'été. A Séoul, la police suspecte Véronique Courjault d'infanticides par «abandon et défaut de soins», et dénonce ces faits au Quai d'Orsay à Paris. Par ricochet, une enquête démarre à Tours le 10 août sur ces ressortissants français pour «meurtres aggravés» commis à Séoul. Lui brandit sa bonne foi : «Si j'avais eu le moindre soupçon, je les aurais jetés.» Elle reste en retrait. Ils trouvent un avocat, Marc Morin, qui organise une conférence de presse avec le couple à son cabinet le 22 août. Lui, en chemise blanche, crispé et catégorique, répète plusieurs fois : «Ma femme n'a pas accouché de ces enfants.» Elle, petite et ronde, lunettes de soleil remontées sur ses cheveux, l'air abattu et pâle confie : «C'est un cauchemar, on ne comprend pas ce qui nous arrive.» Et d'un ton plus ferme : «Nous ne sommes pas les parents de ces deux enfants.»


Sources : Libération

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans Crimes

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