PIERRE GOLDMAN, LE FRERE DE JEAN-JACQUES

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Pour faire suite à l'article : L'EMBARRASSANT FANTOME PIERRE GOLDMAN

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Le meurtre de deux pharmaciennes lors d'un casse lui avait valu la perpétuité avant que ses avocats n'obtiennent une révision puis un acquittement


Le braqueur révolutionnaire avait étudié en cellule

 

Capable mais pas coupable !» En ce début du mois de mai 1976, Pierre Goldman, alors âgé de 32 ans, réveille par son cri les assises de la Somme où il est rejugé pour une série de hold-up et le meurtre de deux pharmaciennes. «Capable» ? Il comprend bien que tout joue contre lui. On le sait amoureux des armes, partisan de l'action violente, jusqu'au-boutiste. Il est hâbleur, virevoltant, flamboyant : un «chien fou» dans ce monde qu'il juge si apathique, à l'aune de celui dans lequel combattirent ses parents, authentiques héros de la résistance juive au nazisme. «Capable», vraiment ? Oui, hélas... En fait, cet homme est en guerre. Il est parti, sac au dos, l'arme au poing, dans les maquis du Venezuela... même si c'est surtout en ville qu'il s'y est illustré : à Barcelona, plus précisément, où avec trois complices, il s'est emparé, le 11 juin 1969, du plus gros butin jamais raflé dans ce pays. Il a tout claqué, ensuite, à Paris. En trois semaines, comme il l'écrira. Qu'importe, il sait, désormais, comment se procurer de l'argent.


D'abord, il songe à des enlèvements, effectue des repérages chez le psychanalyste Jacques Lacan, puis envisage de s'en prendre à Jean-Edern Hallier. Le 4 décembre 1969, c'est finalement une pharmacie de la rue Ernest-et-Henri-Rousselle (XIIIe) qu'il prend pour cible, à l'heure de la fermeture. Son premier hold-up en France, l'un de ceux qu'il avouera, en tout cas.

Quinze jours plus tard, le 19 décembre 1969, une autre pharmacie parisienne est attaquée, boulevard Richard-Lenoir. Même modus operandi : un homme seul, armé, fait irruption à l'heure de la fermeture et réclame la caisse. Mais, cette fois, rien ne se passe comme prévu. Un client, Raymond Trocard, 57 ans, entre derrière le bandit qui, déjà, menace Simone Delauney et sa préparatrice, Jeanine Aubert. Les deux femmes, qui s'apprêtaient à quitter l'officine, sont terrorisées. L'homme tente de raisonner l'agresseur. Une balle dans la mâchoire le neutralise. Il dira plus tard avoir entendu les pharmaciennes supplier le tireur avant de perdre connaissance.


A deux pas de là, un jeune gardien de la paix, Gérard Quinet, 22 ans, comprend qu'il se passe quelque chose de grave. Il n'est pas de service mais se précipite vers la pharmacie, prend en chasse l'homme qui s'en échappe, le ceinture. Et écope d'une balle dans le ventre, tirée par une arme différente... Deux morts, deux blessés, un tueur en fuite, un homme surnommé «Goldi», jurera bientôt un indicateur. Pierre Goldman sera arrêté le 8 avril 1970.

C'est un «grand flic», le commissaire Marcel Leclerc, de la Brigade criminelle, qui mène l'enquête. Pour lui, l'affaire semble plutôt limpide. Le suspect est formellement reconnu par Trocard et Quinet, mais aussi par une jeune femme bousculée par le tueur dans sa fuite. Ce sont pourtant les seuls éléments dont disposera l'accusation. Si deux armes appartenant à Goldman sont bien retrouvées – du même type l'une et l'autre que celles utilisées boulevard Richard-Lenoir –, ce ne sont pas celles qui ont tiré, selon les expertises balistiques. Et le fait que les canons des deux pistolets ne sont pas ceux d'origine ne change rien à l'affaire.


Goldman est effectivement «capable» : n'avoue-t-il pas le braquage de la rue Ernest-et-Henri-Rousselle, mais aussi celui du magasin Vog, rue Tronchet, au lendemain même de la tuerie du 19 décembre, et encore l'attaque, le 16 janvier suivant, rue Ramey (XVIIIe), d'un payeur des allocations familiales ? «Capable mais pas coupable». «Je suis innocent parce que je suis innocent», lance-t-il encore. Et d'ailleurs, il ne pouvait pas se trouver boulevard Richard-Lenoir à l'heure du crime : il était alors rue de Turenne «chez un ami antillais, Joël Lautric». Celui-ci confirme.

Pas d'aveux, pas de preuves. Mais des identifications formelles et un faisceau de présomptions suffisant pour les jurés de la cour d'assises de Paris : le 14 décembre 1974, Pierre Goldman est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Fin du premier acte.


Enfermé, il passe une licence de philosophie, une maîtrise d'espagnol et, surtout, écrit ses retentissants Souvenirs obscurs d'un Juif polonais né en France. Une oeuvre marquante pour toute une génération. Et qui attirera une foule de grands noms à la défense de sa cause.

Ami, bien avant ses ennuis, du chanteur et comédien Pierre Barouh aussi bien que du psychanalyste Félix Guattari, intime de Marc Kravetz – et de bien d'autres signatures de Libération, à commencer par Serge July –, proche d'Alain Krivine, de Bernard Kouchner, de Christian Blanc et de tant d'autres encore, il voit cette fois voler à son secours Pierre Mendès France, Joseph Kessel, Eugène Ionesco... Il y a aussi, pêle-mêle, Yves Montant et Simone Signoret, André Cayate, Françoise Sagan, Ariane Mnouchkine, Régis Debray, Philippe Sollers, Patrice Chéreau, Pierre Bénichou... La tuerie du boulevard Richard-Lenoir est désormais bien loin, l'affaire est devenue politique.


La Cour de cassation cassera donc, relevant un bien maigre vice de procédure (une absence de date sur un procès verbal des débats). Et le second verdict, prononcé le 4 mai 1976 à Amiens par les assises de la Somme, résonnera comme une éclatante victoire pour son avocat, Georges Kiejman, et pour tous ceux qui avaient si longuement et si ardemment bataillé pour Pierre Goldman : douze ans de réclusion criminelle pour les trois hold-up, mais un certificat d'innocence pour les deux meurtres et deux tentatives de meurtre. Emprisonné depuis avril 1970, il a déjà accompli la moitié de sa peine et sera donc bientôt libre.


En octobre 1976, le proscrit d'hier retrouve effectivement ses amis. Il tient désormais chronique dans Libération, papillonne à la lisière de ce grand banditisme qu'il a côtoyé à Fresnes – il est devenu l'ami de Charlie Bauer, dont il espère qu'il lui fera rencontrer Mesrine, et, accessoirement, le protégé du redoutable clan des Zemour. Il est partout, comme avant, mais fort cette fois d'une célébrité chèrement payée. Par l'intermédiaire de Benny Lévy – ancien leader de la Gauche prolétarienne et dernier secrétaire de Sartre –, il rejoint le comité de rédaction de la revue Les Temps modernes, publie ensuite un second livre, L'Ordinaire mésaventure d'Archibald Rapoport, roman qui sera assez fraîchement accueilli. Déjà, en fait, la fin est proche.


Quand il est froidement assassiné par trois hommes qui l'attendaient pour le cribler de balles, le 20 septembre 1979, peu après midi, place de l'Abbé-Georges-Henocque (XIIIe), c'est un véritable séisme qui ébranle les rédactions parisiennes. Quelques minutes plus tard, tombe une revendication, téléphonée à l'Agence France presse : «Aujourd'hui, Pierre Goldman a payé ses crimes. La justice du pouvoir ayant montré une nouvelle fois ses faiblesses et son laxisme, nous avons fait ce que notre devoir nous commandait.» Signé : «Honneur de la police». Des «fas cistes», donc ? L'enquête n'a jamais permis de le déterminer et bien d'autres hypothèses, toutes explorées depuis vingt-six ans, restent ouvertes, parmi lesquelles celles d'un règlement de comptes lié aux aventures vénézuéliennes de Goldman ou bien à ses présumées tentatives de trafic d'armes en faveur d'ETA. Le flou, cette fois encore. Un autre mystère que personne, cette fois, n'a véritablement tenté de percer. Et qui pourrait bien recéler, aussi, sa part d'indésirables vérités : on n'égratigne pas impunément les mythes.


Sources : LE FIGARO

Publié dans stop-antifrancisme

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